Risque de tsunami en Haïti
- newdeskarl
- 26 mai 2020
- 4 min de lecture
Gestion des risques et des désastres
Publié le 2019-01-10 | Le Nouvelliste

Le mot tsunami vient du japonais tsu qui signifie « port » et nami « vague ». Le phénomène tire son nom de sa manifestation de base. En haute mer, l’amplitude (la hauteur) des vagues est faible variant de quelques centimètres à quelques dizaines de centimètres se propageant à des vitesses de l’ordre de 800 km/h (vitesse d’un avion de ligne). Près des côtes, la profondeur de la mer étant plus faible, l’énergie du tsunami se trouve comprimée, les vagues deviennent de plus en plus haute atteignant plusieurs mètres voire des dizaines de mètres. Ces vagues entrent dans les terres et peuvent engloutir des villages entiers. En haute mer, les pêcheurs japonais ne se rendent compte de rien. Arrivés aux ports, ils ne font que constater les dégâts causés par ces vagues « mystérieuses ». Ils les appellent des « vagues de port » (tsunami).
Les causes du phénomène
90 % des tsunamis sont d’origine sismique. Ils sont causés par des séismes générés par des failles sous-marines, surtout des failles inverses. Ayant un déplacement « vertical », les failles inverses sont plus aptes à déplacer de grandes masses d’eau lors d’un séisme. Ainsi, les plus grands tsunamis sont causés par de grands séismes de subduction (quand une plaque océanique plonge sous une plaque continentale). À titre d’exemple, le séisme considéré comme le plus puissant de tous les temps (Chili 1960, magnitude 9.5) a provoqué un tsunami qui a traversé tout le Pacifique (des côtes chiliennes à celles du Japon) en moins de 24 heures.
En plus des séismes, les tsunamis peuvent être causés par d’autres phénomènes comme un volcan sous-marin, un glissement de terrain sous-marin ou côtier, une chute de météorite, de grands rochers ou de glaciers. Avant l’arrivée des vagues destructrices, la mer se retire quelques minutes avant de rebondir. On a vu les horribles images du tsunami qui s’est produit dans le détroit de la Sonde le 22 décembre 2018 laissant dans son sillage plus de 400 morts, 154 disparus et plus de 1400 blessés. Si l’archipel indonésien nous a habitués à des tsunamis dus à de grands séismes (comme celui du 26 décembre 2004, magnitude 9.2), celui du 22 décembre 2018 était d’origine volcanique. L'Anak Krakatoa, le volcan à l’origine du tsunami n’est pas sous-marin. Situé sur une petite île, le volcan a craché jusqu’à 180 mètres cubes de rochers et de cendres dans la mer. C’est ce qui a fait monter l’eau. C’est comme des glaçons plongés dans un verre d’eau.
Le cas d’Haïti
En lisant les historiens Thomas Madiou, Beaubrun Ardouin et Moreau de Saint-Méry, on se rend compte que la majorité des grands séismes historiques d’Haïti étaient accompagnés de tsunamis. Parmi les plus connus, le séisme du 18 octobre 1751 fut accompagné d’un tsunami causant des dégâts à Azua et à Santo Domingo. Le 8 avril 1860, un important séisme tsunamigénique fut rapporté au large d’Anse-à-Veau. Des vagues furent observées au moins à Anse-à-Veau et à Miragoâne. Le 7 mai 1842, un puissant séisme accompagné de tsunami frappa le Nord d’Haïti et détruisit les villes du Cap-Haïtien, de Port-de-Paix, de Môle Saint-Nicolas et de Fort-Liberté. Il endommagea sévèrement Santiago de los Caballeros en République dominicaine. Cap-Haïtien fut le plus détruit avec 5000 victimes sur 10000 habitants. Port-de-Paix fut couvert d’eau de mer sur 5 mètres de haut, et 200 personnes périrent sur 3000 habitants. Le 4 août 1946, un important séisme généra un tsunami de 4 à 5 mètres de haut qui inonda les agglomérations du Nord-Est de la République dominicaine. Et plus récemment, plusieurs tsunamis locaux ont été rapportés lors du séisme du 12 janvier 2010 dont un à Grand-Goâve qui a quand même fait 3 morts.
Est-il possible que ces événements se répètent dans le futur? Oui, parce que leurs causes existent encore. Ce sont les failles, sans compter des côtes instables et des terrains sous-marins susceptibles des glisser, entre autres. Nous sommes sur une île avec la République dominicaine. Les failles observées à terre se prolongent en mer. Par exemple, dans le Nord, la faille septentrionale est complètement sous-marine côté haïtien. Nous sommes aussi dans une zone de subduction, celle entre les plaques nord-américaine et caraïbes. Un tsunami généré par un grand séisme sur cette subduction peut facilement nous affecter même si l’événement vient relativement de loin.
Ces événements seraient sans effet si nous n’étions pas vulnérables. La grande majorité des villes haïtiennes sont côtières. Les constructions anarchiques ne laissent pas beaucoup de possibilités à des plans d’évacuation adéquats en cas de tsunami. La mangrove ayant été détruite, même le tsunami le plus faible peut faire des dégâts inattendus.
Il y a quelques années, des panneaux d’évacuation ont été installés dans le grand Nord. C’aurait été une très bonne chose si la population avait été impliquée dans le projet. Y a-il eu des études préalables de plan d’évacuation ? Ces installations sont-elles basées sur une cartographie détaillées des chemins d’accès ? Y a-t-il eu une étude sur la quantité de personnes qui auront à emprunter ces chemins d’évacuation en cas de tsunami? En retard sur les échéances, les responsables de ce projet auraient fait installer ces panneaux avec précipitation sans aucune sensibilisation du public. Certains ne savaient même pas ce que ces panneaux voulaient dire.
Des efforts sont à signaler et à encourager de la part du Centre d’observation sur les données maritimes (CODOMAR) du Service maritime et de navigation d’Haïti (SEMANAH). Des formations, sensibilisations et des exercices de simulation sont à renforcer. Ce centre a particulièrement installé plusieurs marégraphes dans le Nord pouvant détecter des montées anormales de l’eau de mer afin d’alerter la population. Ces dispositifs devraient être placés sur toutes les côtes haïtiennes. D’après la dernière discussion que j’ai eue avec le coordonnateur du CODOMAR, le centre semblait faire face à un problème d’électricité entravant la collecte des données en continu. En attendant que nos dirigeants prennent leurs responsabilités, servons-nous du retrait de la mer comme alerte au tsunami. Espérons juste que nous serons tous au même moment sur la même plage pour observer la mer se retirer !
Newdeskarl Saint Fleur
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